jeudi 20 janvier 2011

Collectif de soutien aux familles rroms de Roumanie

34 rue Claude Bénard, 95610 Éragny sur Oise

Le 20 janvier 2011

La Lettre du collectif N°55


Roms en Val d'Oise : à Sarcelles, une situation exceptionnelle.

Cela s'est passé mois après mois. Lentement. À présent, un terrain qui était destiné à implanter une aire d'accueil et de stationnement, fermée depuis le 4 février 2002, est devenu un vaste bidonville. Des Roms y vivent sans caravanes, dans des habitats très précaires, mais disposent de l'eau et l'électricité antérieurement installées.

Gabie et ses amis à Sarcelles

La Communauté d'agglomération du Val de France dont Didier Vaillant, maire de Villiers le Bel est le président, assignait, hier, devant le Tribunal de Grande instance de Pontoise, 21 personnes nommément désignées. On vise à faire partir, en fait, plus de 500 personnes, « tous les occupants des lieux ». À eux seuls, une cinquantaine d'enfants de six à douze ans, et évidemment pas tous, sont scolarisés dans les camions-écoles de l'ASET. Et c'est sans compter aussi les enfants d'âge maternel ni les adolescents...

L'avocat des Roms, M° Cédric Lemoine, a demandé, et obtenu, le report de l'audience du 19 janvier au 16 février, pour assurer convenablement la défense des familles menacées d'expulsion et afin que l'examen de cette situation sans équivalent puisse être effectué avant tout jugement.

Il y a lieu, en effet, de s'interroger sur les conséquences que pourrait avoir une expulsion de pareille ampleur ! Il faudra bien qu'un jour ou l'autre, on mette en œuvre ce qu'exigeaient douze élus d'Ile de France, dont Didier Vaillant, responsable de la demande d'expulsion : « Nous savons qu'avec une véritable solidarité régionale, nationale et européenne, il est tout à fait possible d'accueillir dignement ces femmes, hommes et enfants, citoyens européens qui, rappelons le, ne seront plus sous le coup des mesures transitoires qui restreignent aujourd'hui leur accès au marché du travail, au plus tard fin 2013, d'autant qu'il est dans les prérogatives des Préfets de déroger plus favorablement à ces mesures ». On ne peut mieux dire !

Il est temps que les élus, quelle que soit leur appartenance politique, mettent leurs paroles en actes. L'occasion en est fournie à Sarcelles. Car il y a là une situation exceptionnelle, nouvelle, qu'il convient d'aborder avec précaution et détermination.

Elle se caractérise ainsi :

Il ne s'agit plus d'un campement de caravanes mais d'un bidonville géant, le plus vaste regroupement de familles Roms qu'ait jamais connu le département. Jeter à la rue des centaines de personnes est inconcevable et aurait des effets désastreux sur les communes voisines, y compris celles qui ont fait des efforts ou qui supportent déjà la présence d'autres familles.

Ce rassemblement est le résultat des déplacements contraints qui se sont produits dans le département voisin de Seine Saint Denis et révèle que les expulsions multipliées ne font que déplacer les difficultés d'accueil de populations qui, de toute façon, ne quitteront plus la France. C'est la démonstration, hélas par l'absurde, de l'échec de la politique annoncée l'été dernier qui a fait souffrir les Roms sans les amener à s'éloigner de ce « morceau d'Europe » où ils sont chez eux !

C'est la première fois, sans doute, en France, qu'un emplacement réservé à des « gens du voyage » (encore une fois, une expression administrative officielle sans contenu ! ), qu'une « aire d'accueil et de stationnement » (sic), prévue et installée pour une population française, les « Roms de France », se trouve, après son abandon, utilisée par des étrangers : des « Roms en France » !

Ce terrain public, appartenant à un organisme public, est donc disponible.

Le Val d'Oise, à la différence de la Seine Saint Denis, ne compte aucun « village d'insertion », comme c'est le cas à Aubervilliers ou à Montreuil, par exemple. Même si ce n'est pas une solution incritiquable, c'en est une ! Le Président de la Communauté d'Agglomération du Val de France peut, à ce sujet, demander conseil à ses collègues co-signataires de l'Appel au Premier ministre du 3 septembre 2010.

http://www.mediapart.fr/club/edition/les-invites-de-mediapart/article/030910/avec-une-solidarite-regionale-nationale-et-euro

L'absence de volonté politique atteint, ici, sa limite, ou plus exactement, la volonté politique de laisser une question majeure aux conséquences sanitaires, humanitaires, sans solution, révèle une impuissance qui, à Sarcelles comme ailleurs, signifie que l'on va laisser pourrir une situation suceptible d'engendrer, à court et moyen terme, l'insécurité dont on veut de prémunir. En outre, cette hypocrite affirmation selon laquelle « on ne veut pas stigmatiser les Roms » tout en les chassant « des terrains qui ne leur appartiennent pas », au nom de « l'État de droit » a quelque chose de malsain (1). En appeler à la loi pour mettre dehors une population qui ne saura où aller vivre (et qui est sans défense autre que celle de chercher où reconstruire des masures et cabanes dans une nouvelle illégalité) est un mépris de la misère insupportable et donc condamnable. On est là fort loin de tout « socialisme » !

  1. Voir Le Parisien du 19-01-2011, édition du Val d'Oise, Sarcelles, le sort du bidonville géant au Tribunal, page III.


Nous sommes décidés à mettre en évidence ce « cas de Sarcelles » et nous ne lâcherons rien ! Nous n'ignorons aucune des difficultés auxquelles les élus ont à faire face ! Nous aimerions, pourtant qu'au lieu d'avoir à polémiquer, à cause de cette romaphobie de fait qui vient s'ajouter, en Val d'Oise, en pleine période électorale cantonale, à la politique d'État anti-Roms, (qui n'a pas cessé, depuis l'été passé !), nous changions tous d'état d'esprit et nous nous attelions, ensemble, à chercher des solutions socialement acceptables !

http://www.lyoncapitale.fr/var/plain_site/storage/images/journal/univers/actualite/divers/deuxieme-bidonville-roms-chasse-par-le-prefet/274763-1-fre-FR/Deuxieme-bidonville-Roms-chasse-par-le-prefet_large.jpg



dimanche 2 janvier 2011

La loi LOPPSI 2 votée : répression, exclusion, stigmatisation

dimanche 2 janvier 2011

Voici une analyse simple et claire. Nous sommes loin du "temps des cerises", même si en rêver réconforte encore! Nous entrons même dans l'espace des tempêtes sociales. Car ce qu'annonce ce texte, c'est la guerre faite aux humbles. S'agissant des Rroms, c'est bel et bien la politique annoncée en juillet 2010 qui s'exécute. Il ne s'agit plus seulement de protester. Il va falloir résister. Et ce sera dur...

Loppsi 2 : répression, exclusion, stigmatisation
(Chronique France Culture)

Par Clémentine Autain

http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article15558

Les sénateurs avaient un peu renâclé, les députés ont confirmé. La LOPPSI 2, loi d’orientation et de programmation sur la performance de la sécurité intérieure, vient d’être adoptée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. « Un fourrre-tout juridique », dénoncent en chœur ses détracteurs. Mais avec une véritable cohérence de fond. Ce texte est la traduction législative du discours ultra-sécuritaire de Grenoble prononcé par le Président de la République, en juillet dernier. Avec 46 articles qui touchent à des domaines très variés, il s’agit de favoriser une société dans laquelle la suspicion et la répression prennent le pas sur la prévention et l’accompagnement social.

Concrètement, que trouve-t-on dans cette LOPPSI 2 ? Le renforcement de la vidéosurveillance, malignement rebaptisée en « vidéoprotection ». Son utilisation devrait ainsi rapidement tripler. Les préfets pourront l’utiliser même si les communes y sont opposées. La vidéo pourra suivre le parcours des manifestations. Un article vise également à recodifier et à adapter les fichiers dits « d’antécédents » utilisés par la police et la gendarmerie, qui contiennent des informations à caractère personnel sur la majorité des suspects, même mineurs. Créatif, le projet de loi invente par ailleurs, côté suspicion, le dépistage contraint (une prise de sang pourra être exigée dans certains cas) et, côté sanction, les peines planchers dès la première infraction. Davantage relayée dans les médias, pour ses airs de double peine, une disposition vise à étendre la liste des motifs de déchéance de la nationalité française aux condamnés naturalisés depuis moins de dix ans.

En outre, les préfets pourront recourir au « couvre-feu » de 23h à 6h du matin pour les moins de 13 ans. Et une procédure de type comparution immédiate devant un tribunal pour enfant est créée. La LOPPSI 2 touche également à Internet, espace de liberté s’il en était. Un délit d’usurpation d’identité sur le Net est créé. Enfin, l’article 32 ter a fait bondir les défenseurs du droit au logement. Il favorise les expulsions locatives et l’évacuation des campements. Les squatteurs pourront être expulsés sous 48H sur décision du préfet et sans passer par le juge. De quoi stigmatiser certaines populations, comme les Roms, et accabler les personnes les plus gravement touchées par la crise du logement. Last but not least.

J’ai aussi retenu de cette LOPPSI 2 une mesure toute symbolique : la privatisation des missions de sécurité devrait s’accentuer. D’ici à quelques années, rapporte le journal Le Monde, les effectifs sécuritaires du privé pourraient être supérieurs à ceux de la police et de la gendarmerie. Nous y voilà : la cohérence est d’ensemble. L’État conforte la logique libérale sur le plan social et économique : moins de service public, plus de précarité et de flexibilité, des marchés financiers qui peuvent nuire tranquille. Et pour marquer son autorité, l’État renforce le contrôle social. La LOPPSI 2 est la 16ème loi en 8 ans sur la sécurité. Une obsession qui produit peu de résultats sur les chiffres de la délinquance, notamment les plus graves et à l’encontre des personnes, mais accroît la stigmatisation, la logique de sanction, la pénalisation des rapports sociaux et favorise le recul des libertés.

Contre tous ceux qui alimentent la spéculation financière et génèrent le désordre socio-économique, il n’est pas question de rappel à l’ordre ni de sanction, un « message de fermeté » pour reprendre l’expression de Jacques-Alain Bénisti de l’UMP dans son explication de vote en faveur de la LOPPSI 2. Ce serait voir le monde dans un tout autre sens, avec moins de contrôle de nos libertés mais plus de protection et de justice sociale.


Django, reviens, ils sont devenus fous !