mardi 14 juin 2011

La LDH en appelle au respect des droits des Rroms


Résolution du 86e congrès de la LDH à Reims – 13 juin 2011

Dans son « discours de Grenoble » en juillet 2010, monsieur Sarkozy s’est livré à une surenchère sécuritaire à partir d’un fait divers, faisant, en les amalgamant, des Roms ressortissants européens et des « Gens du voyage » à 95 % citoyens français, une des cibles privilégiées de sa politique xénophobe.

Destructions, stigmatisation, expulsions : le lot commun des Roms

Depuis, le gouvernement a aggravé un peu plus sa politique habituelle vis-à-vis de cette catégorie de population (destructions de campements et expulsions). Les moyens sont toujours les mêmes : les bulldozers rasent les bidonvilles au petit jour, les forces de police utilisent violence et harcèlement pour obtenir des reconduites volontaires dans le pays d'origine. Selon les déclarations d'Eric Besson à l'Assemblée nationale le 3 novembre dernier, sur 21 384 personnes expulsées de France entre janvier et septembre 2010, 13 241 (7 472 retours forcés et 6 769 retours « aidés ») concernent des citoyens roumains et des Bulgares, dont des Roms, soit près de 62 %.

Ces ressortissants européens, libres de circuler au sein de tous les pays de l'Union, sont frappés de mesures transitoires, en vigueur jusqu'en 2014, qui les excluent en pratique du marché de l'emploi. Les Roms ne sont pas des hors la loi, ni des mafieux comme le gouvernement se plaît à nous en convaincre. C'est la législation française qui les prive de droits : droit au travail, droit à la libre circulation...

Pire encore : à leur encontre, tout est permis : interpellations arbitraires, destructions de biens, accusations sans preuve de séjours supérieurs à trois mois et d'indigence alors que ces populations ne bénéficient pratiquement jamais de l’intervention des services sociaux. L’exercice des droits fondamentaux et en particulier la scolarisation des enfants, obligatoire dans notre pays, sont rendus quasi impossibles quand les camps sont régulièrement détruits et leurs habitants contraints continuellement à s'installer ailleurs.

Malgré les déclarations catégoriques de madame Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne responsable de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, et sa demande d'une procédure d'infraction à l'encontre de la France sur la base de deux motifs (application discriminatoire de la directive sur la libre circulation et manque de transposition des garanties procédurales et matérielles prévues par la directive sur la libre circulation), aucune sanction concrète n'a été prise à ce jour.

Les problèmes fondamentaux auxquels se trouvent confrontés certains Roms ou Tsiganes, en France comme en Europe, ne leur sont pas spécifiques, ils concernent toute la population précarisée : jeunes, femmes, travailleurs pauvres, chômeurs, Gens du voyage, migrants... Mais concernant la politique française à l'égard des Roms, il est difficile à ce niveau d'acharnement de se limiter à parler encore de discrimination. Il s'agit désormais de la négation systématique des droits fondamentaux d'une population stigmatisée et d'une action concertée du gouvernement français qui a besoin de boucs émissaires pour détourner l'attention de sa mauvaise gestion de la crise économique et politique.

Les pressions et mesures d’intimidation dont ils sont victimes montrent une volonté des autorités de terroriser ces populations, les violences dont ils sont l’objet et le dénuement auquel ils sont contraints peuvent être considérés comme des traitements inhumains et dégradants, en violation de la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, ratifiée par la France.

Des discriminations persistantes à l’encontre des « Gens du voyage »

Les répercussions de cette politique s’étendent par ailleurs aux « Gens du voyage », parmi lesquels nombre de citoyens français, qui restent victimes de discriminations de fait (moins de 50 % des lieux d’accueil prévus par la loi Besson de 2000 ont été réalisés) ou de discriminations légales (obligation des livrets et carnets de circulation des Gens du voyage en fonction d’une dangerosité supposée, obstacles mis à l’exercice des droits liés à la citoyenneté et notamment le droit de vote).

Contre les stigmatisations et le racisme, pour l’accès aux droits !

Pour lutter contre cette logique raciste, la Ligue de droits de l’Homme appelle à développer une campagne d'information et de sensibilisation permettant de mieux faire connaître la diversité historique, sociale et culturelle de ces populations.

La Ligue des droits de l'Homme, réunie en congrès national, demande solennellement au président de la République, au gouvernement et au parlement français d’en finir avec les violences, la stigmatisation systématique et les discriminations légales qui frappent une partie de la population vivant dans notre pays en raison de ses origines et/ou de son mode de vie :

- le statut spécifique appliqué aux Gens du voyage, particulièrement la loi de 1969, est à abroger, avec la suppression des livrets et des carnets de circulation et l’obtention du droit de vote au bout de six mois dans leur commune de rattachement. Avec la reconnaissance de la caravane comme habitat, la loi du 5 juillet 2000 doit être appliquée en prévoyant un schéma d’accueil et d’habitat dans chaque département et l’obligation pour les communes de plus de cinq mille habitants de réaliser les aires prévues par ce schéma ;

- les Roms roumains ou bulgares, avec l’ensemble des ressortissants de Roumanie et de Bulgarie, doivent sans délai être considérés comme des citoyens de plein exercice de l'Union européenne et obtenir le libre accès à l’emploi ; cela s’accompagne par l’arrêt et la sanction des harcèlements et violences policières sur les lieux de vie des Roms migrants, l’arrêt des distributions collectives de mesures d’éloignement et les placements en centres de rétention ainsi que l’abrogation du dispositif de fichage biométrique des bénéficiaires de l’aide au retour humanitaire ;

- élus locaux et représentants de l’Etat doivent faire en sorte que des moyens soient mobilisés pour permettre l’accès aux droits et l’accueil décent des populations précaires, et en particulier des Roms, dans des conditions sanitaires et matérielles correctes, conformes aux principes qui devraient être ceux de la République, en particulier concernant les droits constitutionnels au logement et à une vie familiale digne.

La Ligue des droits de l’Homme s’adressera aux candidats à l’élection présidentielle et aux élections législatives de 2012 pour qu'ils prennent ces engagements.

Adoptée à l’unanimité.

L’État a lui-même toujours exprimé sa méfiance vis-à-vis de ces populations méconnues, incomprises, différentes du modèle social majoritaire fondé sur la propriété et la sédentarité. La liberté de circulation est ici sans issue. Roms, Tziganes, Manouches, Gitans, Yéniches… ces « gens du voyage », comme on les nomme par simplification, sont régis par des lois et régimes d’exception, visant essentiellement à les contrôler et à les surveiller [...]

Henri LECLERC, président d'honneur de la LDH

jeudi 9 juin 2011

Claude Evin écrit au Préfet du 93





On expulse, à Pantin y compris les malades. On empêche, en Seine Saint-Denis, d'agir pour prévenir des risques pour la santé publique ! La politique sécuritaire est dangereuse pour la sécurité des habitants d'Ile de France. En y mettant les f
ormes, le Directeur de l'ARS d'Ile de France, Claude Évin, proteste contre cette grave erreur politique.

Monsieur le Préfet,

Comme vous le savez le département de la Seine-Saint-Denis est marqué par des indicateurs sanitaires très sensiblement en retrait par rapport aux moyennes régionales. Les inégalités sociales et territoriales de santé sont particulièrement prégnantes sur ce territoire.

Dans ce cadre, les populations en situation de grande précarité sont plus particulièrement touchées par des maladies, notamment infectieuses, dans un contexte général de difficultés d’accès aux soins compte tenu tant d’aspects culturels, qu’administratifs (ouverture des droits à couverture médicale) et financiers.

Afin d’assurer le droit à la santé de ces populations, l’Etat a développé des outils spécifiques (CMU et aide médicale Etat) et financé des interventions ciblées vers certaines populations.

Pour le département de la Seine-Saint-Denis, le taux élevé de prévalence de la tuberculose a conduit à renforcer le dispositif légal de base, assuré par les services du Conseil Général pour le compte de l’Etat, par un plan pluriannuel exceptionnel ciblé sur les populations les plus touchées dont la population Rrom.

Par ailleurs, l’épidémie de rougeole qui se développe depuis plusieurs années sur l’ensemble du territoire métropolitain, avec actuellement une forte croissance, n’épargne pas ces populations précaires avec pour elles une aggravation des risques liée à leur situation.

Dans ce contexte général et compte tenu du risque pour la santé publique, il est prioritaire de développer ces actions tant dans l’intérêt des bénéficiaires directs que pour limiter le développement de l’épidémie au bénéfice de toute la population.

Le département Veille et Sécurité Sanitaire de l’Agence Régionale de Santé est donc amené, en particulier dans le cadre du traitement des déclarations obligatoires de maladie (dont la tuberculose et la rougeole), à programmer des opérations de vaccination, de dépistage et de traitement dans des camps Rroms.

Ces opérations sont réalisées par les services du conseil général (PMI et service de lutte antituberculeuse), des associations financées par l’Etat (Médecins du Monde, CAM,..) avec parfois la participation des services santé des villes.

L’Agence Régionale de Santé a été informée de la survenue de plusieurs cas de rougeole sur des campements Rroms à Pantin et Bobigny. Des opérations de vaccination impliquant les différents intervenants ont donc été programmées.

Or à la veille de l’intervention sanitaire, sur le camp de Pantin, les forces de police ont procédé à l’évacuation du camp. Par ailleurs, plusieurs personnes atteintes de tuberculose étaient suivies médicalement dans ce camp.

Il ne m’appartient pas de porter une appréciation sur l’opportunité ou non de cette intervention. Il est par contre de ma responsabilité d’attirer votre attention sur ses conséquences en termes de santé publique.

Cette évacuation de plusieurs centaines de personnes constitue une augmentation significative du risque épidémique de rougeole puisque ces personnes ont sans nul doute intégré d’autres camps non touchés par l’épidémie. Concernant les personnes en traitement pour la tuberculose, ce déplacement réduit toute l’efficacité du traitement et comporte un risque grave de contamination.

Pendant plusieurs années, il avait été établi, dans votre département, que les services de la DDASS informaient votre cabinet des opérations de lutte contre la tuberculose afin qu’une intervention policière ne mette pas un terme aux traitements et vaccinations.

Face à la persistance de la tuberculose et à la flambée épidémique de la rougeole, il me semble, aujourd’hui, indispensable de pouvoir coordonner nos interventions afin que ne se renouvelle pas l’incident du 19 mai à Pantin compte tenu de la gravité que cette situation revêt pour la protection sanitaire des populations.

Je suis à votre disposition pour en parler plus avant.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de ma considération distinguée.

Le Directeur Général

de l’Agence Régionale de Santé d’Ile-de-France


Claude EVIN