vendredi 10 août 2012

La trahison

Deux ans après le scandaleux discours de Nicolas Sarkozy, à Grenoble, au sujet des "Roms et gens du voyage", le nouveau gouvernement expulse, à Lille, Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Paris (XIXe), Marseille, Lyon, etc... À l'expulsion des terrains s'ajoutent même des expulsions de France par charter (via l'aéroport Lyon Saint-Exupéry).

Toutes les tentatives de justification, dont celle qui consiste à dire qu'il ne s'agit que de l'application de décisions de justice, masquent mal une véritable trahison ! Ou bien Manuel Valls, Ministre de l'Intérieur, désavoue la politique annoncée par le candidat Hollande, ou bien c'est le Président de la République lui-même qui trahit son engagement du 27 mars dernier, pris dans un courrier à Romeurope : "on ne peut continuer à accepter que des familles soient chassées d'un endroit sans solution". Or, c'est le cas.

Nous ne voyons, pour le moment, pas de différence entre la politique Sarkozy-Guéant et la politique Hollande-Valls à l'égard des Rroms. Les politiciens de droite ricanent ou, carrément, se réjouissent. La chasse aux Rroms est rouverte. Au moment où les tensions sociales se développent et où l'Europe subit une régression économique, il est particulièrement dangereux de donner des arguments à ceux qui recherchent des boucs émissaires.

Les questions de fond, dont dépend le sort des familles, n'étant pas abordées, le statu quo conduit à constater l'occupation illicite de lieux de vie, le développement de bidonvilles et l'étalement de la misère sous les yeux de citoyens choqués. On dépose plainte sur plainte. La justice ne peut qu'ordonner l'évacuation des terrains occupés sans droit ni titres. Les Rroms quittent les emplacements qu'ils occupaient, d'eux-mêmes ou contraints, pour aller, au hasard, dans l'angoisse et le stress, s'installer ailleurs, en attente de nouvelles décisions de justice et de nouvelles expulsions.

Quelles sont ces principales questions de fond qu'aucun Gouvernement ne veut ou ne sait aborder ?

- Les 15 millions de Roms d'Europe, à 95% sédentaires, et notamment ceux qui vivent dans les 27, bientôt 28 États, de l'Union européenne, sont-ils, oui ou non, nos concitoyens et, à ce titre, ont-ils les mêmes droits et devoirs que tous les autres Européens ? Si oui, comment en tient-on compte ?

- Les Rroms roumains ou bulgares vivant en France, environ 15 000 personnes, c'est-à-dire 1% des Rroms d'Europe, une faible minorité donc, ont-ils, oui ou non, depuis janvier 2007, comme ressortissants de l'Union européenne, le droit de circuler librement et par conséquent de s'installer, car nul ne se déplace sans avoir à faire halte. Si oui, comment en tient-on compte ?

- Suffit-il de démanteler les bidonvilles pour les supprimer ? Les familles qui ont choisi, depuis souvent des années, de vivre en France, qui y ont pris leurs habitudes et s'y sont fait des connaissances, ne rentreront pas dans leur pays d'origine où ils ont trop souffert. Les autorités françaises ne perdent-elles pas, oui ou non, leur temps et notre argent en tentant d'obliger les familles à repartir vers l'est, de force, ou en les traquant, alors qu'elles finissent presque toujours par revenir ? Si oui, comment en tient-on compte ?

- Les Rroms, notamment les étrangers, ne connaissent la caravane que comme un abri et ne sont nullement nomades ? Pourquoi alors, dans les administrations comme dans les prétoires, les assimiler encore aux "gens du voyage", c'est-à-dire aux Français vivant en habitat mobile ? Allons-nous, oui ou non, enfin comprendre que nous sommes nous-mêmes victimes de confusions, faites entre des populations qui ont une origine historique commune mais qui n'ont pas les mêmes modes de vie ? Si oui, comment en tenir compte ?

- N'y a-t-il pas lieu de nous interroger sur les raisons pour lesquelles il est fait obstacle à l'insertion des Rroms parce qu'ils n'ont jamais connu, au cours des siècles derniers, ni assimilation ni intégration au sein de nos sociétés ? Autrement dit, reconnaissons-nous, oui ou non, la réalité de la diversité humaine et acceptons-nous que certains de nos semblables (qui ne sont pas nos identiques !) aient une culture et une approche du monde différentes de celles qui sont les nôtres ? Si oui, comment en tenir compte ?

- Allons-nous, oui ou non, mettre fin aux mesures transitoires relatives à l'emploi qui, jusqu'au 31 décembre 2013, et peut-être au-delà, condamnent les Rroms au travail au noir, à la mendicité et aux récupérations précaires ? Si oui, comment y parvenir à court terme ?

- Les fausses solutions, qui limitent au démantèlement la suppression des bidonvilles, non seulement déplacent et dispersent les phénomènes sans les régler, mais engendrent des nuisances environnementales et physiques affectant la vie même des familles et notamment des enfants. Allons-nous, oui ou non, sortir du cercle infernal dans lequel nous nous sommes enfermés avec les Rroms en les fragilisant, en les précarisant, au risque de les conduire vers des comportements de survie aberrants voire délictueux ?

"Je souhaite, écrivait encore François Hollande, que lorsqu'un campement insalubre est démantelé, des solutions alternatives soient proposées". Au-delà du souhait, il y a la nécessité ! Où sont les solutions alternatives proposées ? Si elles ne sont pas prêtes et suffisamment encore étudiées, quand va-t-on commencer à les rechercher, à les travailler, à les examiner avec l'aide des services et des associations qualifiées et bien entendu, avec le concours des intéressés eux-mêmes ? Là est l'urgence et non pas dans la précipitation vers la mise en œuvre de mesures brutales et, in fine, inefficaces.
Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

jeudi 2 août 2012

À quand le changement pour les Rroms ?

Nous pouvions le craindre. Le fait est là : ce n'est pas sous l'impulsion du ministre Manuel Valls que l'insertion des Rroms dans la société française sera recherchée et préparée. Nous n'en continuerons pas moins à manifester notre solidarité avec un peuple qui a le droit de vivre dans toute l'Europe.
Le Collectif de soutien aux familles rroms de Roumanie.
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Collectif National Droits de l’Homme Romeurope
ABCR (Association Biterroise Contre le Racisme) – ALPIL (Action pour l’insertion sociale par le logement)AMPIL (Action Méditerranéenne Pour l’Insertion sociale par le Logement) ASAV (Association pour l’accueil des voyageurs) – ASEFRR(Association de Solidarité en Essonne avec les familles roumaines et rroms) Association Solidarité Roms de Saint-Etienne CCFD-Terre Solidaire (Comité Catholique Contre la Faim et pour le Développement) LA CIMADE (Comité intermouvements auprès des évacués)CLASSES (Collectif Lyonnais pour l’Accès à la Scolarisation et le Soutien des Enfants des Squat) – FNASAT-Gens du voyageHabitat-CitéHors la Rue LDH (Ligue des Droits de l’Homme) –MDM (Médecins du Monde) – Mouvement catholique des gens du voyage MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) – ROMAQUITAINE Rencontres tsiganes RomActions Romeurope 94 Secours catholique (Caritas France)SICHEM (Service de Coopération Humanitaire pour les Etrangers et les Migrants) – Une famille un toit 44URAVIF (Union régionale des associations pour la promotion et la reconnaissance des droits des Tsiganes et des Gens du voyage d’Ile-de-France)
Et le Comité de soutien de Montreuil, le Comité de soutien 92 Sud, le Collectif nantais Romeurope, le Collectif de soutien aux familles rroms de Roumanie, le Collectif Rroms des associations de l’agglomération lyonnaise, le Collectif Romyvelines, le Collectif de soutien aux familles roms de l’agglomération orléanaise, le Collectif des sans-papiers de Melun, le Collectif solidarité Roms et gens du voyage du Nord.


Paris, le 31 juillet 2012

Deux ans après le discours de Grenoble :
À quand le changement ?

« Je souhaite que, lorsqu’un campement insalubre est démantelé, des solutions alternatives soient proposées. On ne peut pas continuer à accepter que des familles soient chassées d’un endroit sans solution. Cela les conduit à s’installer ailleurs, dans des conditions qui ne sont pas meilleures. »

C’est en ces termes que le Président de la République, François Hollande, alors candidat à l’élection présidentielle, s’était exprimé le 27 mars 2012 lorsque Romeurope l’avait interpellé sur la situation des Roms en France. Cependant, Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, annonce la poursuite du « démantèlement de campements », tout en reconnaissant que ce n'est pas une réponse satisfaisante. Les engagements de François Hollande avaient fondé de grands espoirs au sein de l’ensemble des associations et des intéressés eux-mêmes qui attendaient un vrai changement de politique.

Partout en France les évacuations des lieux de vie se poursuivent, comme à Aix en Provence, à Saint Etienne, à la Tronche… sans solutions alternatives, abandonnant à nouveau des hommes, des femmes et des enfants à la rue, dans une précarité toujours plus grande. Ces pratiques actuelles ne sont conformes en rien aux engagements du Président de la République d'un changement de politique plus respectueuse des droits de l’Homme et de la dignité.

Des solutions sont possibles, des expérimentations sont déjà menées par des collectivités territoriales et des associations, et plusieurs sont volontaires pour travailler à des réponses durables et efficaces. Elles n’attendent plus que le soutien de l'Etat.

Le Collectif National Droits de l’Homme Romeurope et la FNARS demandent donc au gouvernement :
  • l'arrêt de toute évacuation de lieux de vie sans proposition d’hébergement ou de relogement avec un traitement individualisé des situations,
  • l’accès effectif au droit commun : droit à la protection sociale, droit à l’éducation, accès aux soins, et à la protection de la santé.
  • la levée des mesures transitoires qui limitent l’accès au marché du travail et à la formation professionnelle des ressortissants roumains et bulgares de manière discriminatoire (comme vient de le décider l'Irlande). L’accès à un emploi et à la formation professionnelle sont la première des conditions nécessaires à l’intégration de ces ressortissants européens.

Contacts presse :
Lola Schulmann, CNDH Romeurope : 06 35 52 85 46
Stéphane Delaunay, FNARS : 01 48 01 82 32 / 06 18 88 13 30
Céline Figuière, FNARS : 01 48 01 82 06