Deux
nourrissons sont morts, pendant « les fêtes ». L'un dans
l'Essonne, à Champlan, au cours de la nuit qui suivit Noël, (le 26
décembre 2014), dans le bidonville où survivent ses parents ;
l'autre à Lille, dans la gare de Lille-Flandre, le jour de l'an,
(1er janvier 2015). La presse, dans les deux cas, évoque « la
mort subite du nourrisson » !
Il
est bien d'autres similitudes dans ces morts concomitantes. Les deux
enfants, de même âge (deux à trois mois), de même prénom
(Francesca), de même nationalité (roumaine), affontaient, avec
leurs parents et leurs jeunes frères, le même grand froid d'hiver
et la même précarité des sans abris.
Il
se peut que les deux petites filles n'aient pas succombé à cause du
froid mais, après l'autopsie et les affirmations des médecins
légistes, la mort subite du nourrisson ne sera jamais qu'une
hypothèse. Mort subite ? Certes ! De nourrissons ?
Oui ! Mais s'agit-il de «la-mort-subite-du-nourrisson » ?
Voire... C'est, en général, par surchauffe du corps que ce produit
un tel décès.
Et
fallait-il infliger à la famille l'épreuve supplémentaire d'une
autopsie ? Ne s'agirait-il pas plutôt, pour les pouvoirs
publics, de rechercher des causes qui dégageraient leur
responsabilité ?
Les
petites Francesca, en quittant notre monde, nous apportent bien
d'autres tristes enseignements. La précipitation des élus qui, sur
leurs comptes twitter, ont multiplié les commentaires, révèle
surtout le malaise, la gêne, voire l'indignité de personnalités
politiques, impuissantes devant la misère et qui, soit versent des
larmes de crocodile, soit cachent sous les mots leur incapacité à
organiser la solidarité.
Car,
les Roms sont le symbole le plus visible de notre blocage
humanitaire. Tout existe, dans notre pays pour éviter des drames,
pour faire face à la rigueur du temps, - et nous ne sommes pas l'un
des pays les plus froids ! -, mais notre considération à
l'égard des plus faibles, même réelle, passe après d'autres
pré-occupations, sérieuses ou futiles. La période des
réjouissances de Noël et du Nouvel An aura été révélatrice de
cette juxtaposition de la facilité et de la difficulté à vivre
dans nos villes.
Mais,
à l'hypocrisie mensongère de ceux qui appellent à l'action
humanitaire tout en ne prenant pas les moyens de faire face à la
détresse des humbles, il aura fallu ajouter l'impitoyable brutalité
de tel maire concerné, qui refuse l'inhumation à « ceux qui
ne paient pas leurs impôts locaux », ou de tel autre maire
qui, de loin, commente, et ose écrire que la mère qui mendie
devrait savoir « qu'utiliser un bébé comme appât comprend
des risques » !
Passons
sur les commentaires indignés de ceux qui, sincères ou non, ne
peuvent laisser passer cette opportunité de se faire lire, ou
entendre, quand l'événement, par son caractère choquant, émeut
l'opinion.
Il
ne suffit pas davantage que le Défenseur des droits s'affirme
« bouleversé ». Il doit accompagner ceux qui
considèrent, surtout quand il s'agit d'enfants nés n'importe où,
sans qu'ils y puissent rien, que le droit à vivre est sacré et la
protection des plus faibles prioritaire.
La
question est autre, à présent : qu'allons-nous faire pour que
les bébés ne meurent plus dans la rue où, après chaque
évacuation, se retrouvent les familles roms qui n'ont pas même
droit à la « « trève hivernale » ? Notre
cœur devient dur et notre sollicitude fort temporaire !
L'hospitalité
a été et demeure la première des obligations d'une société
civilisée. Y renoncer conduit à la barbarie. Ces deux enfants
mortes nous avertissent que nous n'en sommes plus loin.