Sous la politesse diplomatique se cache une mise en garde sévère adressée à la France. On trouvera, c-dessous, le document (non publié) qui est paru fin août 2010. Les parties qui concernent directement les Roms sont en bleu.
Le Collectif de soutien aux famille rroms de Roumanie.
Comité pour l’élimination de la discrimination raciale
Soixante-dix-septième session
2-27 août 2010
Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention
Observations finales du Comité pour l’élimination
de la discrimination raciale
France
1. Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a examiné les dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième rapports périodiques de la France (CERD/C/FRA/17-19), présentés en un seul document, à ses 2026e et 2027e séances (CERD/C/SR.2026 et CERD/C/SR.2027), tenues les 11 et 12 août 2010. À ses 2044e et 2045e séances (CERD/C/SR.2044 et CERD/C/SR 2045), tenues les 24 et 25 août 2010, le Comité a adopté les observations finales ci-après.
A. Introduction
2. Le Comité se félicite de la haute qualité du rapport détaillé et complet soumis par l’État partie dans les délais fixés, qui a été élaboré conformément aux directives concernant l’établissement des rapports. Le Comité a en outre apprécié le dialogue franc et sincère qui a pu être mené avec la délégation et les efforts poursuivis par celle-ci pour apporter des informations détaillées à la liste des thèmes à traiter (CERD/C/FRA/Q/17-19) ainsi que des réponses à la plupart des questions posées par les membres du Comité durant le dialogue.
3. Le Comité salue la participation engagée des représentants de la société civile lors de la session ainsi que l’engagement de celle-ci dans la lutte contre la discrimination raciale.
B. Aspects positifs
4. Le Comité salue le rôle de la Commission nationale consultative des droits de l’homme tant au plan national qu’international. Il souligne l’importance des avis que cette commission émet sur des projets législatifs et invite le Gouvernement à continuer de la consulter à cet effet.
5. Le Comité salue la mise en place d’outils législatifs nécessaires à la lutte contre la discrimination raciale, tels que la loi du 5 mars 2007 sur le droit au logement opposable et celle du 25 mars 2008 sur l’égalité des chances, ainsi que la création de mécanismes étatiques pour prévenir et combattre la discrimination raciale au niveau départemental avec les commissions pour la promotion de l’égalité des chances et de la citoyenneté (COPEC), et la création de pôles anti-discriminations dans les Parquets.
6. Le Comité salue la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui permet depuis le 1er mars 2010 à tout justiciable de saisir le Conseil Constitutionnel de la constitutionnalité d’une loi à l’occasion d’un procès. Le Comité se félicite également de l’existence du recours en constitutionalité qui peut être engagé a priori par un groupe suffisant de parlementaires sur un projet de loi.
7. Le Comité salue les efforts entrepris par l’Etat partie pour faire de la lutte contre la discrimination et la promotion de l’égalité des chances au sein de l’enseignement une priorité nationale. Il salue à ce propos la mise en place notamment de lycées d’excellence au sein de quartiers défavorisés, de l’accompagnement personnalisé de certains élèves en difficulté, d’internats d’excellence et de l’ouverture des classes préparatoires aux grandes écoles à des élèves venant de milieux défavorisés sur la base de notes méritoires.
8. Le Comité se félicite de l’intervention du chef de la délégation qui, dans le cadre du devoir de mémoire, a rappelé que la Conférence d’examen de Durban avait été l’occasion pour la France d’exprimer le souhait que soit rappelée la mémoire des victimes de l’esclavage, de la traite des esclaves, de l’apartheid et du colonialisme.
C. Recommandation spécifique liée à la mise en œuvre d’un plan national de lutte contre le racisme
9. Le Comité prend note de l’information selon laquelle l’Etat partie prépare un plan national de lutte contre le racisme. Le Comité espère que ce plan national recevra le soutien de toutes les autorités et de toutes les parties prenantes en France. Le Comité souhaite que l’élaboration de ce plan national permette à l’Etat partie de rendre sa politique plus cohérente et plus conforme à la Convention ainsi qu’à la Déclaration et au Programme d’Action de Durban. A cet effet il recommande à l’Etat partie de prendre en considération les priorités suivantes :
a) Affiner les statistiques démographiques, en particulier celles relatives aux personnes issues de l’immigration ou issues de groupes ethniques au sens de la Convention et les indicateurs socio-économiques sur les discriminations dans l’Etat partie;
b) Identifier les victimes de discrimination raciale ;
c) Identifier les types de discriminations raciales et leurs causes ;
d) Identifier les mesures destinées à favoriser l’ascension dans la société française à tous les niveaux de personnes issues de l’immigration ou issues de groupes ethniques au sens de la Convention, leur intégration, y compris par la mise en œuvre des mesures spéciales visées aux articles 1er, paragraphe 4 et 2, paragraphe 2 de la Convention et confirmées dans la Recommandation Générale No.32 (2009) du Comité ;
e) Harmoniser et consolider les mécanismes existants afin de mieux traiter les problématiques liées à la discrimination raciale ;
f) Etudier et accorder une attention particulière aux populations d’outre-mer et tout spécialement à ses peuples autochtones ;
g) Pour l’efficacité du plan, nommer un haut représentant du Gouvernement qui aurait la responsabilité de sa mise en œuvre et aussi celle de conseiller le Gouvernement sur toute sa politique de prévention et de lutte contre la discrimination raciale.
D. Sujets de préoccupation et recommandations
10. Le Comité s'inquiète de la tenue de discours politiques de nature discriminatoire en France. Le Comité est en outre préoccupé de noter une augmentation récente des actes et manifestations à caractère raciste et xénophobe sur le territoire de l’État partie ainsi que sur le développement de discours racistes sur internet.
Le Comité recommande à l’État partie, lorsqu’il aborde des questions liées aux composantes ethniques, raciales, culturelles ou étrangères de la population, d’affirmer dans ses discours et ses actions toute sa volonté politique en faveur de la compréhension, la tolérance et l’amitié entre nations, groupes raciaux ou ethniques. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’intensifier ses efforts afin de combattre et d’enrayer la montée du racisme et de la xénophobie en utilisant tous les moyens, notamment en condamnant fermement tous discours racistes ou xénophobes émanant des responsables politiques et en prenant les mesures appropriées pour combattre la prolifération d’actes et manifestations racistes sur internet (articles 2, 4 et 7).
11. Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles des mesures pourraient être prises dans les domaines de la citoyenneté avec des conséquences discriminatoires fondées sur l’origine nationale.
Le Comité recommande à l’Etat partie de s’assurer conformément à l’article 1, paragraphe 3 de la Convention, que toute mesure prise dans ce domaine n’ait pas pour effet de discriminer contre une nationalité quelconque.
12 Le Comité prend note des dispositions de l'article premier de la Constitution de l'État partie selon lequel la France est une République indivisible qui assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion, ce qui constitue la raison invoquée par l'État partie pour ne pas procéder à un recensement de la population fondé sur des indicateurs ethniques ou raciaux.
Le Comité réitère sa position selon laquelle la collecte de données statistiques a pour objectif de permettre aux États parties d'identifier et d'avoir une meilleure connaissance des groupes ethniques présents sur leur territoire, des types de discriminations dont ils sont ou peuvent être victimes, d'apporter les réponses et les solutions adaptées aux formes de discriminations identifiées et enfin de mesurer les progrès effectués. Le Comité recommande donc à l’État partie, conformément à ses Recommandations générales No. 24 (1999), concernant l'article premier de la Convention, et No. 30 (2005), concernant la discrimination à l'égard des non ressortissants, de procéder au recensement de la population de l'État partie sur la base d’une auto-identification ethnique ou raciale des individus, qui soit purement volontaire et anonyme.
13. Le Comité constate avec regret que, malgré les politiques récentes engagées en matière de lutte contre la discrimination raciale dans les domaines du logement et de l’emploi, les personnes issues de l’immigration ou issues de groupes ethniques au sens de la Convention continuent d’être victimes de stéréotypes et de discriminations de toutes sortes, qui font obstacle à leur intégration et à leur progression à tous les niveaux de la société française.
Le Comité recommande à l'État partie de poursuivre ses efforts pour permettre une progression sociale des personnes issues de l’immigration ou issues de groupes ethniques au sens de la Convention dans tous les domaines, y compris à travers un plus grand nombre de nominations de personnes qualifiées issues de ces groupes à des postes d’autorité dans la sphère économique et au sein de l'État (articles 5 et 7).
14. Le Comité s'inquiète de la montée des manifestations et des violences à caractère raciste envers les Roms sur le territoire de l'État partie. Il prend note de la déclaration faite par l’Etat partie lors du dialogue avec le Comité, selon laquelle aurait été mis en place un cadre régissant le retour volontaire des Roms dans leurs pays d’origine. Le Comité note que depuis la présentation de son rapport par l’Etat partie, des informations font état de ce que des Roms ont été renvoyés de manière collective dans leurs pays d’origine, sans que n’ait été obtenu le consentement libre, entier et éclairé de tous les individus concernés.
Le Comité rappelle à l'État partie ses déclarations et lui recommande de veiller à ce que toutes les politiques publiques concernant les Roms soient bien conformes à la présente Convention, d’éviter en particulier les rapatriements collectifs et d’œuvrer à travers des solutions pérennes au règlement des questions relatives aux Roms sur la base du respect plein et entier de leurs droits de l’homme (articles 2 et 5).
15. Le Comité est aussi préoccupé par la situation difficile des membres de la communauté Rom quant à l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels.
Le Comité invite instamment l’Etat partie à garantir l’accès des Roms à l’éducation, à la santé, au logement et autres infrastructures temporaires dans le respect du principe d’égalité et de prendre en considération à cet égard la Recommandation Générale No. 27 (2000) du Comité sur la discrimination à l’égard des Roms.
16. Le Comité reste très préoccupé par les difficultés rencontrées par les « gens du voyage », notamment dans leur liberté de circulation, l’exercice du droit de vote, l’accès à l’éducation et à un logement décent. A ce sujet, le Comité note avec préoccupation que malgré les recommandations formulées dans ses précédentes observations finales, l’État partie n’a toujours pas mis à la disposition des "gens du voyage" le nombre nécessaire d’aires d’accueil conformément à la loi du 5 juillet 2000 dite « loi Besson ». Le Comité se préoccupe aussi de l'obligation légale pour les "gens du voyage" de se munir d'un titre de circulation à renouveler périodiquement.
Le Comité invite instamment l’Etat partie à assurer aux « gens du voyage » l'égalité de traitement en matière de droit de vote et d'accès à l'éducation. Le Comité recommande la mise en œuvre accélérée de la « loi Besson » afin que la question d’aires illégales de stationnement ne se pose plus. Le Comité recommande également l'abolition des titres de circulation des « gens du voyage » afin de garantir une égalité de traitement entre tous les citoyens de l'État partie (articles 2 et 5).
17. Compte tenu du fait que l’Etat partie a accepté le principe de diversité linguistique et culturelle, le Comité se préoccupe de la mise en œuvre partielle de ce principe sur le territoire français.
Le Comité recommande à l’Etat partie d’intensifier ses efforts afin de garantir à tous, sans distinction de race, de couleur ou d’origine ethnique, le droit de prendre part, dans des conditions d’égalité, aux activités culturelles (article 5 (e) (vi)).
18. Tout en appréciant les explications détaillées fournies par l’État partie sur les efforts entrepris dans les territoires d’outre-mer pour permettre une meilleure représentativité ainsi qu’une plus grande autonomie des peuples autochtones, le Comité se préoccupe du fait que le système actuel ne permet pas la reconnaissance de droits collectifs aux peuples autochtones, notamment s’agissant du droit ancestral à la terre. Le Comité est également préoccupé des difficultés grandissantes de certains habitants des territoires d'outre-mer d'accéder sans discrimination à l’éducation, l’emploi, le logement et la santé.
Le Comité recommande à l’État partie de permettre une reconnaissance de droits collectifs aux peuples autochtones, surtout en matière de droit de propriété. Il recommande en outre à l'État partie de prendre les mesures législatives nécessaires en vue de la ratification de la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail relative aux peuples indigènes et tribaux. Le Comité recommande également à l'État partie d'intensifier ses efforts afin de permettre l'égalité d'accès à l'éducation, au travail, au logement et à la santé dans les territoires d'outre-mer (article 5).
19. Le Comité prend note du projet de loi sur le Défenseur des droits, mais il se préoccupe de la multiplicité des fonctions assumées par cette nouvelle institution et craint que le mandat de lutte contre les discriminations y compris la discrimination raciale, actuellement dévolu à la H.A.L.D.E ne soit plus que l’un des éléments du mandat du Défenseur des droits.
Conformément à sa recommandation sur le plan national de lutte contre la discrimination raciale, le Comité, tout en souhaitant une plus grande coordination entre les mécanismes étatiques pour traiter les problématiques liées à la discrimination raciale, recommande de maintenir une institution indépendante distincte ayant pour mandat la lutte contre les discriminations y compris la discrimination raciale. A cet égard, le Comité souligne l’importance du rôle de la H.A.L.D.E dans la lutte contre les discriminations, notamment la discrimination raciale (article 2).
20. Le Comité note avec satisfaction les progrès réalisés par l’État partie pour donner effet aux précédentes observations finales du Comité s’agissant de la question des pensions des anciens combattants (CERD/C/FRA/CO/16, par. 24). Il note également la décision du Conseil Constitutionnel du 28 mai 2010 déclarant comme contraire au principe d’égalité de traitement certaines dispositions des lois de finances de 1981, 2002 et 2006 en la matière.
Le Comité encourage l’État partie, à permettre la pleine application de cette décision, en veillant à ce que tous les anciens combattants, quel que soit leur lieu de résidence actuelle ou leur nationalité, soient traités de manière égale et prie instamment l’Etat partie de s’assurer de ce que toutes les lois de finance adoptées à l’avenir ne soient plus de nature discriminatoire à l’égard des anciens combattants (article 5).
21. Ayant à l’esprit le caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à considérer les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions ont un effet direct sur la question de la discrimination raciale, tels que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990).
22. A la lumière de sa recommandation générale No. 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, qui s’est tenue à Genève en avril 2009, lorsqu’il applique la Convention dans son ordre juridique interne. Le Comité le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations spécifiques sur les plans d’action et autres mesures adoptés pour appliquer la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.
23. Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser ses observations finales sur ces rapports dans la langue officielle et les autres langues communément utilisées, selon le cas.
24. Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité prie l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations qui figurent aux paragraphes 9, 14 et 16 ci-dessus.
25. Le Comité souhaite également attirer l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations contenues dans les paragraphes 12, 13 et 18 et le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur les mesures concrètes et appropriées qu’il aura prises pour mettre en œuvre et de manière effective ces recommandations.
26. Le Comité recommande que les vingtième et vingt-et-unième rapports périodiques de l’État partie soient soumis en un seul document, d’ici le 27 août 2012 et soient élaborés en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et que ce document porte sur tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Le Comité l’engage également à respecter la limite de 40 pages imposée pour les rapports présentés au titre d’un traité particulier et la limite de 60 à 80 pages imposée pour le document de base (voir les directives harmonisées données au paragraphe 19 du document HRI/GEN.2/Rev.6).