mercredi 25 août 2010

Un pacte chrétien qui est républicain : pas de parias en France !

Erreur qui lui sera fatale : la droite sarkoziste a réveillé un réflexe républicain ! Le texte de Jean-Pierre Mignard rappelle, opportunément, qu'il n'y a qu'une seule famille humaine et que la vigilance de tous doit être totale lorsque pointe le doigt qui désigne le paria.

Un pacte chrétien contre l'exclusion

par Jean-Pierre Mignard, avocat à la cour.

On ne joue pas avec les mots sans conséquence. Il n'est pas acceptable d'associer, comme l'ont fait le président de la République ou des membres du gouvernement, l'insécurité - sémantique euphémisée du danger - à des populations ou à des groupes sociaux assignés à leurs origines, à leur groupe ethnique ou à leur quartier. Cette dérive langagière, désinvolte et politicienne, plus que réfléchie, est indifférente à toute problématique sérieuse d'ordre public. Elle est donc doublement blâmable. Elle ajoute du désordre au désordre. Pis, elle exclut.

La République n'y trouve pas son compte. Le christianisme non plus. Deux raisons pour s'affranchir des passeports idéologiques et se retrouver sur l'essentiel. Plus de 60% des Français se déclarent encore de confession catholique, et si l'on y ajoute le nombre, plus faible, des protestants, la religion chrétienne est bien l'un des plus importants parmi les multiples référents de la société française. C'est donc là que se situe l'un des maillons de la résistance à toutes les exclusions.

Avant de se répartir à droite ou à gauche, qu'ils soient du centre ou de nulle part, les chrétiens ont été convoqués au pied de la croix pour s'entendre dire qu'il n'y avait qu'une seule famille humaine. Ils doivent à leur manière exprimer leur refus de voir quiconque désigné à raison de ce qu'il est, par son identité ou par son histoire, et non de ses choix. Nous savons que ce sont les plus fragiles, et pas forcément les plus roués ou les plus nocifs, qui pâtissent de ces politiques-là. Nous savons aussi que cela dressera un peu plus une partie de la jeunesse marginalisée des quartiers populaires urbains contre les policiers, à leur tour inutilement exposés.

Dom Helder Camara téléphonait souvent au commissariat de Recife, dont il fut l'archevêque, pour se plaindre de l'arrestation d'une de ses soeurs ou de l'un de ses frères. Là, les policiers qui l'avaient prié, désolés, de venir chercher son parent constataient, désemparés, que son patronyme n'était pas le même. Dom Helder répondait systématiquement que chaque pauvre était son frère ou sa soeur, et que chacun était de sa famille.

Nous ne pouvons pas accepter que se délite le contrat social du fait de nos peurs supposées ou de nos rivalités attisées. Au-delà des partages politiques, les chrétiens communient et se reconnaissent d'abord dans un jeune homme juif, humilié et assassiné, dans lequel ils ont perçu la figure de leur Dieu. Leur vigilance doit être totale lorsque pointe le doigt qui désigne le paria.
Par toutes les forces de leur conviction partagée, les chrétiens, de la prière commune à la manifestation, peuvent et doivent inquiéter les élus sur les choix qu'on leur propose. Les chrétiens qui votent à droite ont peut-être une responsabilité supplémentaire pour exprimer ce refus, car ayant une influence plus grande sur des leaders qu'ils ont choisis et qui aujourd'hui décident. Qu'ils se souviennent que dans des temps autrement difficiles ni la Cimade protestante ni les jésuites de Fourvière ne s'étaient pliés aux démarcations idéologiques pour accomplir leur devoir spirituel et leur fidélité évangélique.

D'aucuns s'étonneront peut-être de cet appel « communautariste ». A ceux-là je réponds ceci : la laïcité est une des inventions les plus précieuses pour protéger la République des séparatismes sectaires ou confessionnels. Elle n'a cependant pas interdit aux confessions de porter assistance à la République quand son intégrité était froissée. C'est le cas et c'est donc le moment.

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