jeudi 9 juin 2011

Claude Evin écrit au Préfet du 93





On expulse, à Pantin y compris les malades. On empêche, en Seine Saint-Denis, d'agir pour prévenir des risques pour la santé publique ! La politique sécuritaire est dangereuse pour la sécurité des habitants d'Ile de France. En y mettant les f
ormes, le Directeur de l'ARS d'Ile de France, Claude Évin, proteste contre cette grave erreur politique.

Monsieur le Préfet,

Comme vous le savez le département de la Seine-Saint-Denis est marqué par des indicateurs sanitaires très sensiblement en retrait par rapport aux moyennes régionales. Les inégalités sociales et territoriales de santé sont particulièrement prégnantes sur ce territoire.

Dans ce cadre, les populations en situation de grande précarité sont plus particulièrement touchées par des maladies, notamment infectieuses, dans un contexte général de difficultés d’accès aux soins compte tenu tant d’aspects culturels, qu’administratifs (ouverture des droits à couverture médicale) et financiers.

Afin d’assurer le droit à la santé de ces populations, l’Etat a développé des outils spécifiques (CMU et aide médicale Etat) et financé des interventions ciblées vers certaines populations.

Pour le département de la Seine-Saint-Denis, le taux élevé de prévalence de la tuberculose a conduit à renforcer le dispositif légal de base, assuré par les services du Conseil Général pour le compte de l’Etat, par un plan pluriannuel exceptionnel ciblé sur les populations les plus touchées dont la population Rrom.

Par ailleurs, l’épidémie de rougeole qui se développe depuis plusieurs années sur l’ensemble du territoire métropolitain, avec actuellement une forte croissance, n’épargne pas ces populations précaires avec pour elles une aggravation des risques liée à leur situation.

Dans ce contexte général et compte tenu du risque pour la santé publique, il est prioritaire de développer ces actions tant dans l’intérêt des bénéficiaires directs que pour limiter le développement de l’épidémie au bénéfice de toute la population.

Le département Veille et Sécurité Sanitaire de l’Agence Régionale de Santé est donc amené, en particulier dans le cadre du traitement des déclarations obligatoires de maladie (dont la tuberculose et la rougeole), à programmer des opérations de vaccination, de dépistage et de traitement dans des camps Rroms.

Ces opérations sont réalisées par les services du conseil général (PMI et service de lutte antituberculeuse), des associations financées par l’Etat (Médecins du Monde, CAM,..) avec parfois la participation des services santé des villes.

L’Agence Régionale de Santé a été informée de la survenue de plusieurs cas de rougeole sur des campements Rroms à Pantin et Bobigny. Des opérations de vaccination impliquant les différents intervenants ont donc été programmées.

Or à la veille de l’intervention sanitaire, sur le camp de Pantin, les forces de police ont procédé à l’évacuation du camp. Par ailleurs, plusieurs personnes atteintes de tuberculose étaient suivies médicalement dans ce camp.

Il ne m’appartient pas de porter une appréciation sur l’opportunité ou non de cette intervention. Il est par contre de ma responsabilité d’attirer votre attention sur ses conséquences en termes de santé publique.

Cette évacuation de plusieurs centaines de personnes constitue une augmentation significative du risque épidémique de rougeole puisque ces personnes ont sans nul doute intégré d’autres camps non touchés par l’épidémie. Concernant les personnes en traitement pour la tuberculose, ce déplacement réduit toute l’efficacité du traitement et comporte un risque grave de contamination.

Pendant plusieurs années, il avait été établi, dans votre département, que les services de la DDASS informaient votre cabinet des opérations de lutte contre la tuberculose afin qu’une intervention policière ne mette pas un terme aux traitements et vaccinations.

Face à la persistance de la tuberculose et à la flambée épidémique de la rougeole, il me semble, aujourd’hui, indispensable de pouvoir coordonner nos interventions afin que ne se renouvelle pas l’incident du 19 mai à Pantin compte tenu de la gravité que cette situation revêt pour la protection sanitaire des populations.

Je suis à votre disposition pour en parler plus avant.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de ma considération distinguée.

Le Directeur Général

de l’Agence Régionale de Santé d’Ile-de-France


Claude EVIN

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