Luc Chatel dans le numéro du Monde du 6 Septembre 2011, invite Claude Lanzmann à « se rassurer » : « Ni le mot Shoah ni l’histoire de ce crime ne disparaissent de l’école, bien au contraire », affirme-t-il.
Le ministre de l’éducation nationale entend-il rassurer aussi une partie de son électorat ? Toujours est-il que son articlen’évoque pas une seule fois le sort des Tsiganes….
Il est vrai qu’il y a débat, du point de vue des intellectuels Juifs, sur une confusion qu’ils récusent : « les politiques visant les Juifs et le Tsiganes relèvent de deux logiques très différentes » estime Yannis Rodier, formateur au Mémorial de la Shoah (1). Plus précisément encore, l’historienne Annette Wiewiorka affirme :« les Tsiganes comme les Juifs ont été tués en famille, mais les procédures conduisant à la mort des Tsiganes sont radicalement différentes de celles menant à la mort des Juifs. »
Cette volonté de ne pas associer les Juifs et les Tsiganes dans le génocide perpétré par les Nazis, sous le couvert de distinctions fort discutables, - et que tous les Juifs n’approuvent pas ! - contient une discrimination, en fait ou en germe, particulièrement pernicieuse.
Doit-on se taire sur le génocide des Tsiganes ( sans z, s’il vous plaît) parce que lesvictimes de la Shoah ont été nettement plus nombreuses que les victimes du Samudaripen ? C’est inadmissible et insupportable !
Doit-on enseigner la Shoah et pas le Samudaripen parce qu’ily aurait une différence de nature entre l’Holocauste des Juifs et laDestruction des Tsiganes ? Même si les motivations du 3èmeReich ont pu être différentes, la volonté d’éradication totale des deux peuples a été la même. Plus aucun Juif, plus aucun Tsigane ne devaient survivre en Europe.
Le refus d’un mémorial commun à toutes les victimes du génocide proposé, en Allemagne, par Romani Rose, au nom des Sintis et Rroms d’Europe, relève de la même décision autant politique que philosophique : la Shoah ne saurait être confondue avec rien d’autre. L’extermination des Juifs et Tsiganes ensemble, à Auschwitz, ne permet pourtant pas que l’on mêle les victimes dans le même hommage. Comprenne qui pourra !
Distinguer n’est pas séparer. Dans les camps de la mort,Juifs et Tsiganes ne vivaient pas, certes, sauf exception, dans les mêmes baraques. Mais si l’on considère, à bon droit, que la Shoah attentait à l’humanité tout entière, on en peut dire autant du Samudaripen. Dans les deux génocides on trouve la même négation de l’homme, non conforme au modèle racial européen défini par les pseudo-doctrinaires du régime national-socialiste.
Il n’y a pas plusieurs racismes même quand le racisme se manifeste sous diverses apparences et frappe des populations différentes. Il ne convient pas de parler de « racisme et d’antisémitisme ». L’antisémitisme est un racisme ou, plus précisément l’une des formes du racisme. Juifs, Noirs, Roms… ont, souvent, les uns comme les autres, été victimes d’une hétérophobie haineuse conduisant au meurtre, voire à des tentative d’extermination. Faire de l’antisémitisme une particularité historique, c’est lui nier qu’il concerne chacun de nous. La Shoah et le Samudaripen appartiennent à l’histoire de tous les Hommes. On ne peut en« privilégier » aucune partie.
La romaphobie, l’antitsiganisme sont loin d’avoir disparu.Les Européens ignorent trop souvent que les Tsiganes ont, depuis des siècles,été chassés et pourchassés, tenus en esclavage, conduits aux galères, fusillésau fond des bois, traînés vers les fours crématoires.
Les Tsiganes, comme les Juifs, ont été niés dans leur êtremême. Longtemps « le fils du vent » et le « juif errant »ont fait route commune. Il est aussi une Shoah des Roms (un holocauste visant à l’éradication d’une populationdésignée pour l’anéantissement). Il est, oserai-je dire, un Samudaripen desJuifs (la destruction, jusqu’à sa racine, de l’Arbre de Judée). Ce ne sont pasles mêmes qu’on a exterminés, mais pour la même raison : ils ne pouvaientavoir la moindre place au sein du peuple allemand, comme du peuple européen.
Si l’on n’enseigne pas le Samudaripen, on masque une partiede l’histoire de l’Europe et si l’on enseigne la Shoah sans enseigner leSamudaripen, on crée une séparation qui nuit à l’histoire de la Shoah ! Pourquoiserait-il inadmissible d’oublier l’enseignement de la Shoah dans nosécoles et acceptable de ne rien dire du Samudaripen ? L’histoire des Roms commel’histoire des Juifs, font partie de l’histoire européenne, de notre histoire.
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