Leonarda, trop photographiée par les médias est, surtout, une jeune fille qui souffre.
Le sort d'une jeune collégienne de 15 ans, de famille rom, Leonarda, a envahi la presse parce que la police s'est saisie d'elle, dans le cadre d'activités scolaires, afin de la conduire, avec ses parents, et ses cinq frères et sœurs, jusqu'à Mitroviça, au Kosovo. Les protestations ont fusé.
Au-delà
de l'événement douloureux pour la jeune fille, mais à cause de
cette intervention inappropriée, sur le parking du collège Lucie Aubrac (un comble !), dans le
Haut Doubs, le 9 octobre, au cours d'une sortie scolaire en car, aux
usines Peugeot,
comme d'habitude, on invoque le droit.
Les
enseignants de cet autre collège, (André Malraux, de Pontarlier), où était
élève Leonarda, et ses camarades de classe, ainsi que les lycéens
qui ont manifesté notamment à Paris, ont été choqués par ces
pratiques brutales qui, droit ou pas, manifestent un irrespect
flagrant d'une personne mineure.
Il
y a lieu de s'interroger sur les fréquents recours au droit invoqués pour
justifier la violence. Le Défenseur des droits, Dominique
Baudis, a d'ailleurs ouvert une enquête sur l’expulsion. En outre, on peut
poser des questions qui semblent ne pas préoccuper la plupart des
journalistes et des hommes politiques, plus soucieux de se faire
entendre et voir, que de considérer la réalité.
Peut-être
peut-on se rappeler qu'en 1996 le Kosovo entrait en guerre civile et
que les Roms, pris entre Albanais et Serbes, n'avaient pas pris
nettement parti, ce qui allait les conduire à une répression
implacable et donc à la dispersion dans plusieurs pays d'Europe. À
Mitroviça, notamment, un quartier rom prospère avait été ravagé
et il n'en est pas resté une seule pierre debout.
La
famille Dibrani, originaire de cette ville, avait sans doute déjà
fui le Kosovo puisqu'elle s'est retrouvée en Italie, à Fano, 17 années
durant, jusqu'en 2008, avant les 4 années passées en France. Dimanche 20 octobre,
la
mère de Leonarda, Xhemaili, a été giflée par son ex-époux d'il y
a 25 ans, et a été brièvement hospitalisée
a-t-on appris, de source policière kosovare, et selon l'Express
et
Libération.
Le
retour forcé au Kosovo, où les menaces physiques n'ont donc pas
tardé, est bien une faute et Leonarda avait toutes raisons de le
craindre. En outre, les six enfants ne parlent pas l'albanais mais le
romani, l'italien et le français... « Sur
les 2 850 Roms vivant à Mitrovica, seuls dix ont du travail»,
a affirmé Qazin Gushani, le représentant de la communauté rom à
Mitroviça. La famille est hors d'état de vivre au Kosovo et on lui
a, incontestablement, fait violence.
Les
relations entre les pays d'Europe et le Kosovo ne sont pas claires.
Cet état récent, indépendant depuis 2008, a beau avoir l'euro
comme monnaie, il ne fait pas partie de l'Union européenne.
L'origine kosovare du père n'en fait pas un habitant légitime du
Kosovo aux yeux des autorités locales, et la naissance de cinq des
enfants en Italie et un en France, non albanophones, ne plaide pas en
faveur de leur réinsertion. On oublie aussi un peu trop vite Maria,
l'ainée de Leonarda, 17 ans, actuellement en CAP, service
hôtellerie.
Quoi
qu'on puisse reprocher à la famille Dibrani et notamment au père,
Resat (dont les larcins et les mensonges ont été complaisamment
divulgués par le préfet du Doubs, Stéphane Fratacci, ex secrétaire
général du ministère de l'Immigration sous le quinquennat de
Nicolas Sarkozy), les membres de la famille n'ont pas à subir les
conséquences de ses erreurs éventuelles, pas plus lourdes que celles
qu'on observe fréquemment dans notre pays, mais sans pareilles
sanctions !
Contrairement
à ce qu'affirme Najat Vallaud-Belkcaem, porte-parole du
gouvernement, l'affaire n'est pas réglée. Les Dibrani devront
quitter le Kosovo et retenteront un retour dans l'Union européenne,
par la Croatie ou ailleurs. Le droit ne peut pas tout, et organiser
la vie publique en oubliant que la fraternité fait partie de la
devise républicaine, conduit à des impasses visiblement inintelligentes.
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