Sur
la minorité rom
On
ne parle d'intégration que parce qu'il y a une partie du corps
social qui n'est pas totalement « dedans ».
Dedans...
quoi ? Dans la République française, bien évidemment. Quand on
fait entrer un groupe dans le « creuset » républicain où
il doit se fondre, il se produit un double effet : d'une part la
majorité s'enrichit d'un apport (ou le détruit), d'autre part la
minorité donne ce qu'elle amène (ou rien) et disparaît.
S'agissant
des Roms, on observe que, Français ou étrangers, ils restent une
minorité « à part ». C'est donc le rapport
majorité/minorité(s) qui est mis en évidence par l'absence
d'intégration, qu'on la veuille ou qu'on la craigne.
La
France ne se pense unie qu'en « oubliant » ses minorités.
Sa constitution néglige de signaler leur existence. Le « peuple
français » est, selon notre organisation politique, un et
indivisible1,
donc (croient les constitutionnalistes) sans distinctions possibles.
Bien
entendu, ce refus politique de reconnaître les minorités dans la
nation a pu constituer, dans le passé, un ciment historique qui a
servi à souder les Français entre eux, dans des périodes
tragiques. Ce même refus a aussi été cause de conflits qui,
pendant longtemps, ont dressé, les uns contre les autres, des
Français qui se sentaient niés (Bretons, Basques, Corses,
Occitans...) contre ceux qui voulaient protéger l'unité de l'État.
Ce
temps est révolu car, même si des tensions subsistent (notamment en
Corse et au pays basque), on commence à admettre que la pluralité
(linguistique, ethnique, religieuse ou autre) ne nuit pas
nécessairement à l'unité, pour peu que l'éducation, la laïcité,
l'ouverture européenne, permettent de sortir à jamais la France des
conflits qu'elle a connus, en interne comme en externe, au cours des
deux avant-derniers siècles !
Car
il ne suffit pas de ne pas reconnaître les minorités pour qu'elles
n'existent pas. La France comme tous les pays du monde, et d'Europe
en particulier, mais plus encore comme pays de forte immigration liée
en partie à son histoire coloniale, est peuplée de minorités
françaises ou étrangères, d'origines multiples. Cette complexité
est une chance et une force. La proximité de modes de vie différents
qui en résulte facilite même une évolution très progressive des
pensées et des mœurs.
Les
Roms jouent leur rôle dans cette transformation continue,
incessante, très lente du corps social. Première minorité
culturelle par leur nombre en Europe, ils influencent, depuis des
siècles, qu'ils soient Roms de France ou Roms en France, la vie
commune, en positif comme en négatif, aux yeux des non-Roms ou gadjé
qui, depuis fort longtemps, parfois les admirent ou parfois les
rejettent.
Reconnaître
les minorités2,
dont la minorité rom, est une exigence politique à laquelle l'État
français est rebelle. Ainsi n'avait pas été prise en considération
la Déclaration
des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou
ethniques, religieuses et linguistiques,
adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU,
dans
sa résolution 47/135 du 18 décembre 19923.
La quasi-totalité des États
membres du Conseil de l'Europe (39 États sur 47) ont signé et
ratifié la
Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales4,
traité ouvert à la signature des Etats membres, dès le 1er février
1995.
Quatre États seulement ne l'ont toujours pas signée : Andorre,
la France, Monaco et la Turquie (à cause de la minorité kurde).
Quatre États l'ont signée mais pas encore ratifiée. Il s'agit de
la Belgique, la Grèce, l'Islande et le Luxembourg.
Il
en va de même pour la Charte
européenne des langues régionales ou minoritaires5
de novembre 1992, que la France avait signé, avec bien des réserves,
mais pas ratifiée au prétexte que l'article 2 de sa constitution
stipule que « La
langue de la République est le Français ».
François Hollande
a d'ailleurs annoncé, en mars 2013, sans que cela remue les foules,
qu'il renonçait à ratifier la charte européenne des langues
régionales et minoritaires, contrairement à l'engagement 56 de son
programme.
Le
différend est majeur entre ceux qui pensent que la reconnaissance du
droit des minorités, comme des langues régionales ou minoritaires
(dont le romani), risque de porter atteinte à l'unité de la France
et ceux qui estiment, au contraire, que l'unité n'est pas l'unicité
et que la diversité ne saurait nuire à la solidarité des citoyens
ainsi qu'il apparaît, à l'évidence, dans de nombreux autres pays.
C'est
sous cette éclairage qu'il faut placer le débat sur l'intégration
des Roms, qui n'est qu'un avatar d'un débat politique, linguistique,
philosophique plus profond où c'est la conception même de notre
idée de la France unie et diverse, comme veut l'être l'Europe, qui
est en cause, en ce début de XXIe siècle, à quelques mois des
prochaines élections européennes de 2014.
(à
suivre...)
La France
seule
... à ne
pas reconnaître les minorités !
1 Article
premier : « La France est une République indivisible,
laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la
loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de
religion ».
2
Voir sur les droits des minorités :
http://www.ohchr.org/Documents/Publications/FactSheet18Rev.1fr.pdf
3
Déclaration des
droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou
ethniques, religieuses et linguistiques,
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