dimanche 24 juillet 2011

Les statistiques qui dénigrent les Rroms !

Un article du Monde.fr tombe un an après le discours de Nicolas Sarkozy stigmatisant les "Roms et gens du voyage".
Il fait référence, "pour aller plus loin" au livre que Bernard Delemotte et moi avons écrit.
(voir ci-dessous : un guide pour connaître l'histoire, le droit et les outils d'insertion locale des Roms
Nous signalons ce papier du Monde qui fournit encore d'autres références.

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http://insecurite.blog.lemonde.fr/2011/07/23/delinquance-roumaine-une-statistique-pour-feter-lanniversaire-du-discours-de-nicolas-sarkozy/

« Délinquance roumaine » : une statistique pour fêter l’anniversaire du discours de Grenoble ?

A quoi servent les statistiques ? A beaucoup de choses. En matière de sécurité, c'est un secret de polichinelle : les statistiques servent d'abord à la communication politique. Une étude du ministère de l'Intérieur vient ainsi étonnamment de « fuiter » auprès de l'AFP (voir la dépêche). Elle indiquerait que la délinquance « générée par les ressortissants roumains » en région parisienne aurait augmenté de 72,4 % (notez la précision remarquable !) au premier semestre 2011 par rapport au premier semestre 2010. Ainsi « 5 680 Roumains, dont une très forte majorité de mineurs, ont été "mis en cause" pour des larcins sur les six premiers mois de 2011, contre un total de 3 294 sur la même période de 2010 ».

L'annonce tombe à pic pour justifier le maintien par Claude Guéant de la ligne politique répressive et stigmatisante fixée par le Président de la République dans son discours de Grenoble le 30 juillet 2010. C. Guéant fait cependant nettement moins bien que son prédécesseur Brice Hortefeux. En effet, en septembre 2010, face à la polémique qui enflait sur les propos du Chef de l’État puis sur la circulaire du ministère de l'Intérieur qui ciblait les Roms dès le 5 août, B. Hortefeux avait dégainé une étude interne (voir la dépêche) qui, elle, montrait une augmentation de 259 % en 18 mois de la « délinquance des roumains » à Paris ! Qui dit mieux ?

Au-delà de la Com' du ministre de l'Intérieur, quelques réalités

Laissant ces petits jeux de communication politique quelque peu malsains à ceux que cela distrait, on se contentera ici des quatre petites réflexions suivantes :

1) la délinquance de rue comme par ailleurs la mendicité de personnes de nationalité roumaine, dont de nombreux membres des communautés Roms, sont des réalités que nul ne conteste mais qui sont très anciennes. Pour comprendre la phase actuelle du problème, il faut remonter aux années 1990, notamment lorsque des Roms ont commencé à fuir massivement les persécutions et la misère qu'ils connaissaient dans plusieurs pays de l'Est à commencer par la Roumanie et la Bulgarie, mais aussi les républiques de l'ex-Yougoslavie.

2) Ce problème de mendicité et de petite délinquance est lié à celui de l'accueil et de l'intégration de ces migrants. Or cette question est traitée en catimini, par la bande, et elle consiste fondamentalement ces dernières années en un tri entre d'un côté les familles à expulser et de l'autre les familles à intégrer dans des dispositifs clôturés et surveillés qui ont été appelés « villages d’insertion ». Or ces structures ne les intègrent pas au reste de la société. Elles ressemblent plutôt étrangement aux « cités de transit » construites pour les migrants des années soixante (voir ici l'analyse d'un spécialiste). Ce n'est certainement pas une solution d'avenir.

3) Quand un problème manifestement ancien se met soudainement à « exploser » dans une statistique d'enregistrement, il faut éviter d'être naïf. Plutôt que de s'imaginer que les comportements ont connu une transformation radicale et subite, il vaut mieux se demander si ce n'est pas la statistique qui a changé sa façon de compter... En l'occurrence, il est facile de déduire que si l'on passe de 0 à 5 000 personnes repérées en 3 ou 4 ans (il semblerait que ce comptage ait débuté en 2007...), c'est qu'une instruction du ministère de l'Intérieur a été envoyée à un moment donné aux services de police de la région parisienne, leur demandant de faire remonter de façon spécifique l'information sur la délinquance des Roumains.

4) Enfin, au niveau national, dans les statistiques de police comme dans les statistiques de justice, on n'observe pas ces dernières années d'augmentation particulière de la délinquance des étrangers en général ni des roumains en particulier (voir notre analyse de l'année passée). Si donc une telle explosion très récente était réelle et générale, elle serait confirmée par plusieurs sources et se verrait au niveau national. Or ce n'est pas le cas.

Pour aller plus loin :

* Voir un dossier sur les statistiques de la délinquance sur le site Délinquance, justice et autres questions de société.

* Découvrir le site Internet du réseau Urba-Rom (Observatoire européen des politiques publiques en direction des groupes dits Roms/Tsiganes)

* Se procurer un guide pour connaître l'histoire, le droit et les outils d'insertion locale des Roms

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