lundi 21 février 2011

Rroms en Bulgarie, aussi...

Sur Facebook, les Roms ne sont le plus souvent que de simples Tsiganes. vnimanie_cigani.1280575507.JPGA savoir des moins que rien, surtout lorsque leur sort est évoqué par leurs concitoyens d’Europe de l’Est. On dirait même que, sur ce réseau social plutôt ludique, les dernières barrières tombent pour laisser libre cours aux propos racistes, injurieux et dégradants.

Il y a un an, quelques personnalités publiques bulgares s’étaient indignés de l’existence de plusieurs groupes Facebook au contenu dépassant l’entendement : “Il faut castrer les Tsiganes plutôt que les chiens errants”; “Utilisons les Tsiganes comme combustible nucléaire” ; “Transformons les Tsiganes en savon”, etc… Ils regroupaient des dizaines de milliers de personnes - des nazillons et des ultras de foot bien évidemment, mais aussi des jeunes plutôt “cool”, des enfants de la démocratie, nés après les changements de 1989. Face aux critiques et suite à la fermeture de leurs groupes, ils ont fondé “Faisons cadeau d’un million de Tsiganes aux Etats-Unis”, un espace qui a réuni plus de 35 000 fans. Pour que ces Roms puissent servir outre-Atlantique de mannequins pour les crash tests des voitures, ont-ils cru bon de préciser.

Pour la majorité de ces jeunes, Hitler est un héros, ont constaté avec effarement les Bulgares plus âgés. Parce que, lui, il aurait su “régler le problème avec les Tsiganes”. Lorsqu’on passe en revue ces pages, les symboles nazis côtoient ceux du FC Levski de Sofia (là où joue “l’enfant terrible” du foot français, le jeune Garra Dembélé d’origine malienne), mais aussi des signes trahissant les goûts somme toute assez communs de ces jeunes : musique électronique, fast-food, fringues à la mode… A Belgrade, les fans de FC Partizan traitent leurs adversaires de l’Etoile rouge de “Tsiganes” - soit l’insulte suprême. Et, comme les autres, ils trouvent ça très drôle.

Sophie A., une franco-bulgare, ancienne employée de l’Institut français de Sofia, alerte systématiquement les administrateurs de Facebook de l’existence de ces groupes. La plupart finissent par être fermés, mais d’autres s’ouvrent dans la foulée. Aujourd’hui, il y en aurait quelque 200 de ce type, administrés par des Bulgares. On y trouve toujours le nauséabond “Transformons les Tsiganes en savon”, mais aussi une kyrielle de groupes plus petits appelant à la déportation des Roms de Bulgarie. Mais vers où ? Certains proposent l’Inde, d’où ils seraient partis il y a plusieurs siècles de cela. Souvent, Nicolas Sarkozy est cité comme un exemple à suivre, voire un héros, en référence à la campagne d’expulsion de Roms de l’été dernier. Le plus populaire regroupe ceux qui refusent de “payer pour les Tsiganes” , soit près de 20 000 personnes. Il reprend une idée très répandue en Bulgarie : les Roms ne cotisent pas, ne paient pas leurs factures, mais on n’y peut rien parce qu’ils se plaignent alors d’être discriminés ; du coup, c’est les Bulgares qui trinquent.

“Lorsque la Bulgarie négocie à Bruxelles, j’aimerais que les Européens en face soient au courant que ses gouvernements n’ont jamais condamné publiquement ce racisme ahurissant”, écrit Sophie. “J’aime beaucoup la Bulgarie et ne me réjouirai jamais de sa mauvaise image, j’ai la faiblesse de croire que les Balkans c’est davantage le komsuluk [le bon voisinage] que les nazillons. Pour que ça change, je me dis que ça doit davantage être rendu public, à commencer en Bulgarie“, poursuit-elle. Parce que Sophie croit, comme beaucoup d’autres ici, que la Bulgarie est tout le contraire de l’image qu’en donnent ces jeunes : un pays où la différence et l’altérité ont toujours été une composante essentielle, voire le ciment de cette société tolérante, bigarrée et indolente.

Ce n’est certainement pas ce que pensaient les 400 jeunes qui ont battu le pavé le 12 février, lors d’un événement qui, depuis quelques années, regroupe tous les nazillons bulgares. “La marche à la mémoire du général Loukov”, du nom de Hristo Loukov, ce haut gradé partisan déclaré du Troisième Reich, considéré comme l’un des idéologues du fascisme bulgare. Assassiné par des extrémistes de gauche en 1943, il est aussi, pour d’autres, un symbole de cette Bulgarie qui a résisté au communisme. Toujours est-il que cette marche, qui a lieu à la tombée de la nuit, ne manque pas de soulever quelques réminiscences pénibles (et une petite polémique). Les jeunes portent des torches, certains ayant enfilé des uniformes d’avant-guerre. Ils traversent le centre-ville en hurlant des slogans nazis, avant de rendre hommage à leur héros devant la tombe du soldat inconnu. Cette année, une fois de plus, des organisations juives, des ONG et des militants de gauche ont demandé l’interdiction de la marche ou, du moins, un changement de son parcours qui traverse le cœur historique de Sofia. En vain.

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