samedi 21 août 2010

La leçon de politique que nous donnent les Rroms.


Le collectif de soutien aux familles rroms de Roumanie, qui n'a pu se réunir, ces dernières semaines, n'est pas engagé par le texte qui suit et qui est offert à la réflexion de tous. Il appartient à son auteur, auteur de la thèse de doctorat : "les interpellations tsiganes de la philosophie des Lumières", qui, ici "se mouille" et engage un débat.

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Prenons garde ! Les Rroms sont mis à la mode ! On a fait d'eux un sujet médiatique. Les journalistes en raffolent. Les ennemis politiques de Sarkozy trouvent là un sujet de dénonciation bien pratique. On ne parle pas, en réalité, des Rroms ou des "gens du voyage" (qu'il vaut mieux appeler les Voyageurs français), on parle de la dernière bourde "sécuritaire" du Gouvernement.

Ce n'est pas sur ce plan que nous avons à nous placer ! Oublions Sarkozy, bien avant que l'histoire ne l'oublie, et pensons politique, c'est-à-dire : regardons loin devant nous.

Et que voyons-nous alors ? Que la fièvre médiatique retombée, on ne parlera plus des Rroms mais que leurs problèmes resteront, aggravés par les décisions folles et irresponsables prises, au cours de cet été 2010 maudit, pendant lequel, sans que nous puissions l'empêcher, tout a semblé possible à l'encontre de familles rroms impuissantes !

Que voyons-nous encore ? Que le peuple rrom, méconnu, restera méconnu si nous ne le faisons pas connaître, et que mieux connaître les Rroms, c'est mieux nous connaître nous-mêmes. "Rrom" veut dire homme, l'espèce humaine, mais également un homme authentique, responsable, qui mérite de laisser une trace dans l'histoire.

Que voyons-nous, au-delà des apparences du moment ? Que les Rroms sont, comme la totalité des peuples du monde unis et divers. Dans une même famille, il y a plusieurs fratries. Confondre l'unité d'un peuple avec l'unité de son territoire ou de ses coutumes, c'est faire le lit des nationalismes. La "nation sans territoire", les Rroms, nous offre une possibilité d'ajouter à notre pensée une autre référence politique : nous sommes des citoyens du monde qui peuvent, en même temps, vivre en Europe dans la cohérence et la différence. Le modèle français actuel de l'État-nation ne le permet pas, mais il est, silencieusement, mis en questions par les Rroms. Des hommes politiques français, des adversaires intelligents, l'ont bien compris et veulent extirper ce virus politique antinational de notre pays. Les nazis, déjà, avaient compris qu'il fallait éradiquer ce principe. Nous n'en sommes pas à la destruction physique des Rroms, ces contestataires-nés, mais nous les expulsons croyant ainsi nous expurger...

Que voyons-nous, pour l'avenir, dans ce présent brutal ? Qu'on a voulu installer la confusion entre les différentes composantes du peuple du Voyage, qui, d'ailleurs, ne voyagent pas toutes, ou qui portent en elles une tout autre conception du voyage que celle du touriste ou du nomade. Français ou étrangers "les Tsiganes" dérangent. Ils portent en eux un danger pire que la délinquance dont on les suspecte. Aux yeux des penseurs de la droite extrême aux commandes (peu différente, en fait, de l'extrême-droite), ils sont des propagateurs d'insoumission qui font obstacle à l'intégration dans le modèle économique et social dominant. Il faut donc les réduire.

Que voyons-nous, enfin, pour nourrir les luttes contre l'antitsiganisme ou la romaphobie en plein essor, en France, mais en bien d'autres pays d'Europe aussi ? Que nombre de ceux qui hurlent contre la politique anti-Rroms de Sarkozy la pratique dans leurs communes ! La leçon à tirer de cette polémique de juillet-août 2010, c'est que, derrière les mots, il y a des volontés politiques. L'avantage de l'actuelle politique tient à ceci : elle dit et fait exactement ce que nous refusons. C'est plus facile à dénoncer ! Mais prenons garde aussi à ceux qui hurlent avec les loups, si c'est leur intérêt, autant qu'avec les brebis. C'est dans chaque ville, chaque département qu'on peut voir et juger l'attitude réelle des "décideurs" vis-à-vis de cette population mal aimée qui ne comprend pas seulement des musiciens de génie (ça, on l'accepte, et même on s'en réjouit), mais qui vit autrement que nous pensons qu'il faut vivre (et ça, c'est bien plus difficile à admettre).

Quelle leçon de politique les étrangers rroms et les Français voyageurs auront, bien malgré eux, donné, cette année, au peuple français !

Jean-Pierre Dacheux

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Cela ne date pas d'hier...

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